Système économique 2.0

Automatiser

Les nouvelles technologies changent le modèle de la logistique et de la gestion clients dans les magasins. En effet, le projet de grands groupes de distribution est l'automatisation des magasins. Les caissiers et caissières vont être remplacés par des systèmes de paiement par smartphones, ou chariots connectés. L'objectif de cette évolution de la gestion clients dans les grandes surfaces est simple : améliorer le profit. Le concept d'automatisation des magasins l'est tout autant : "le client entre dans la boutique pour y faire ses courses, puis ressort avec ses achats sans même débourser un centime sur place." [1].

Le mode de distribution est également occupé à changer, ainsi, les grands hypermarchés des périphéries des villes vont laisser la place à de plus petites surfaces relocalisées pour plus de proximité. En effet : "Le concept d’hypermarché, inventé par Carrefour, visant à regrouper tous les produits sous un même toit, paraissait miraculeux dans les années 1970-1980. Avec ses prix bas et son large choix, le nouveau temple du commerce a permis à la classe moyenne d’avoir accès à la consommation." [1].

Actuellement, la diversification de l'offre des grandes surfaces est devenue problématique car les hypermarchés "traditionnels" sont concurrencés par des sites Internet comme Amazon ou des magasins discounts.

Ainsi, nous serions face à la nécessité de repenser le commerce, en effet, selon Franck Juguet : "Si le fordisme et la société « moderne » ont accouché de la grande distribution, la société « post-moderne » et le capitalisme déterritorialisé contemporain dessinent une nouvelle architecture des marchés de consommation." [1].

Internet, les technologies de scanning ou des puces RFID (radio frequency identification) offrent des possibilités d'améliorer les flux de clientèles et de gains du temps, ainsi : "Le temps gagné à tous les échelons permet de réduire l’emploi. Dans certains cas, la technologie peut même permettre aux enseignes de se passer de quasiment tous leurs employés." [1].



Comment travaillerons-nous en 2049 ? Les prédictions inquiétantes de l'économiste Daniel Cohen - L'Obs


Pour Franck Juguet : "Ces stratégies commerciales n’ont rien d’étonnant : elles sont la conséquence logique d’une conception cybernétique du travail qui réduit l’homme à un pur coût économique. A force de vouloir rationaliser à tout prix la chaîne de production, le productivisme a bien souvent vidé le travail de son contenu, et donc de son sens" [1].

L'automatisation n'a donc d'autre objectif que d'accroître les profits, et pour Franck Juguet, nous serions devant une financiarisation des relations commerciales avec cette stratégie de magasins automatisés, et la question ne serait plus que de gérer des flux de paiements, ainsi : "La désocialisation de la relation marchande est une étape logique de la financiarisation de l’économie (...)" [1].

Le travail humain s'en trouve donc réduit à n'être que des étapes financières de paiements qui peuvent être réduites au maximum par des solutions techniques. Toute la partie relationnelle et humaine du travail n'étant plus prise en compte par cette logique de financiarisation et d'automatisation.

Cette évolution vers la valorisation de la logique de financiarisation et d'automatisation nous conduit vers une société qui dévalue les professions créatrices de valeurs humaines comme infirmiers, chauffeurs de bus, caissiers, facteurs, pour surévaluer les métiers liés à la finance.


[1] Franck Juguet, "« Au nom du client » : la cybernétique au service des magasins automatiques", https://cybernetique.hypotheses.org/2343


Economie des données

L'Intelligence Artificielle occupe de plus en plus de place dans les entreprises, et ce parce qu'elle est moins chère et plus efficace que le travailleur. L'automatisation par l'I.A. a donc de nombreux avantages pour l'entreprise et en devient systémique. Tous les secteurs économiques et sociaux sont concernés par cette évolution, ainsi : "Les algorithmes de décision s’appliquent désormais à la justice, à la santé, à l’éducation, à la ville, aux transports, à la sécurité, etc." [1].

La question qui se pose à nous est de savoir comment allons-nous réagir face à la généralisation de l'utilisation de l'Intelligence Artificielle concernant les prises de décisions dans nos vies, et quelle confiance pouvons nous accorder aux développeurs de cette I.A., car : "L’arsenal numérique à venir est le déploiement tous azimuts d’applications d’intelligence artificielle basées sur le traitement de données à grande échelle. L’IA est devenue un mode de régulation à part entière." [1].

La numérisation de l'économie, qui nous a conduit à la numérisation de notre consommation et au commerce électronique, est la socle sur lequel se met en place un nouveau modèle de société, la société des données, ainsi : "Sur les fondements de l’économie en ligne se met en place un nouveau modèle de société – une société de la donnée. Au sein de celle-ci, tous les services, y compris les services non commerciaux, fonctionnent ou fonctionneront à terme grâce à l’exploitation des données à caractère personnel." [1]



Futurapolis - Comment nous avons perdu le contrôle de notre attention - Le Point

Les GAFAM ont acquis un pouvoir phénoménal dans cette nouvelle société numérique, ainsi : "Ces groupes à l’envergure mondiale ont une ascendance sans précédent sur la façon dont les humains communiquent, s’informent, se distraient, consomment ou se déplacent." [1].

A cette hégémonie mondiale vient s'ajouter le développement de l'I.A. avec ses fournisseurs de solutions, notamment aux services publics. La crainte est que, comme ni le citoyen, ni les acteurs publics ne sont en mesure de contrôler ce que fournissent les acteurs privés de l'I.A. comme outils pour automatiser nos villes et les rendre smart.

Cette préoccupation concernant la régulation et l'instauration de bonnes pratiques en Europe est débattue et un cadre pour le développement de l'I.A. Européen est progressivement mis en place pour que l’IA soit appliquée, selon la commissaire européen Thierry Breton "de manière éthique, responsable et en ligne avec nos valeurs et avec le règlement général pour la protection des données (RGPD)" [1].



Captologie : entre science et arme de l'économie de l'attention (TenL#87) - La Tronche en Biais

L'I.A. et l'économie des données fait craindre des dérives pour les libertés individuelles, comme en témoigne les débats sur la reconnaissance faciale. Car, selon Françoise Laugée : "Quand la promesse de gains attire des apprentis sorciers de l’innovation, l’IA devient un outil dangereux." [1].

En effet, car selon un rapport de AI Now Institute de l’Université de New York de 2019 : "Il apparaît clairement que, dans divers domaines et contextes, l’IA accroît les inégalités, en plaçant l’information et le contrôle entre les mains de ceux qui ont déjà le pouvoir et en privant encore plus ceux qui ne l’ont pas." [1].


[1] Françoise Laugée, "Quand l’intelligence artificielle revêt une importance systémique - La revue européenne des médias et du numérique", https://la-rem.eu/2020/03/quand-lintelligence-artificielle-revet-une-importance-systemique/


Economie de la surveillance

Le capitalisme de surveillance est la nouvelle forme de capitalisme issu de l'économie de la donnée de l'industrie des plateformes technologiques des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft).

Le capitalisme de surveillance est basé sur la collecte des données des usagers des services Internet et de leur rentabilisation pour en faire un exploitation commerciale. Ainsi : "Le capitalisme de surveillance s’appuie sur une instrumentalisation des comportements individuels." [1].

C'est l’économiste américaine Shoshana Zuboff, de Harvard Business School qui a développé le concept de capitalisme de surveillance en analysant la stratégie des groupes Internet dans le contexte de néolibéralisme et d'acceptation par la population de la surveillance de masse. Ainsi : "Surveillance et prédiction forment une combinaison qui constitue une menace certaine pour les libertés individuelles et pour la démocratie, selon Shoshana Zuboff." [1].

Dans cette nouvelle économie, ce sont nos comportements et nos données personnelles, notre existence sur Internet qui représente le nouvel actif, ainsi : "De même que le capitalisme industriel exploite une force de travail, explique Shoshana Zuboff, le capitalisme de surveillance exploite notre existence. Il l’envisage comme un nouvel actif, ce que l’auteur définit comme « notre surplus comportemental » (behavioural surplus) ou la somme des données personnelles qui ne sont pas à proprement parler utiles à l’amélioration du service en ligne mais susceptibles d’être rentabilisées, après un traitement algorithmique destiné à les convertir en modèles prédictifs de nos besoins et de nos envies. Ce nouveau capitalisme dit de surveillance valorise nos comportements actuels en vendant une prédiction de nos comportements futurs." [1].



Shoshana Zuboff sur le capitalisme de surveillance | VPRO Documentaire


Ce nouveau capitalisme de surveillance fondé sur la captation massive des données personnes, serait également marqué par : "la volonté délibérée d’atteinte à notre indépendance, à notre libre arbitre, à notre personnalité, par le biais d’outils numériques au service d’intérêts économiques." [1].

Ainsi Facebook est devenu l'étendard de cette nouvelle industrie de l’extraction et de l’exploitation des données personnelles à des fins commerciales. La législation, quand à elle, est encore défaillante à faire face aux plateformes numériques, ainsi : "Sans autorisation manifeste, au mieux avec un consentement à l’aveugle de la part des internautes, les industriels de la data, en tête desquels on trouve Google et Facebook, ont donc été laissés libres de cartographier notre environnement, de photographier nos habitats, de suivre nos parcours en ville, d’enregistrer notre navigation internet, de scruter nos achats, d’éplucher nos agendas, de stocker nos photos, de capter nos humeurs, de fouiller nos bibliothèques, de sonder notre état de santé, de recenser nos amis (voir La rem n°46-47, p.54)." [1]

Pour Shoshana Zuboff, le Big Other comme elle surnomme ce système de surveillance : "Big Other est la puissance souveraine d’un futur proche qui annihile la liberté que l’on gagne avec les règles et les lois." [1].

Le capitalisme de surveillance se généralise à notre quotidien avec Internet, mais aussi avec l'avènement des objets connectés. Ce modèle économique : "s’applique désormais à un large éventail de produits et de services dans des secteurs de l’économie réelle aussi variés que l’assurance, la santé, la finance, le commerce, le divertissement, l’éducation ou les transports." [1].



Daniel Cohen publie « Il faut dire que les temps ont changé » - La Grande Librairie

Les produits et services "intelligents" complètent donc le système que les GAFAM ont mis en place pour approvisionner l'industrie des datas et l'économie de la surveillance, mais il est à noter que, selon Françoise Laugée : "Autant les sociétés démocratiques s’inquiètent de toute surveillance étatique, autant elles semblent s’accommoder de son équivalent privatisé. Les dangers du capitalisme de surveillance doivent être débattus au niveau politique.", et d'ajouter que "Alors que la plupart des sociétés démocratiques exercent un minimum de contrôle sur la surveillance étatique, quasiment aucune surveillance réglementaire ne s’applique à son équivalent privatisé." [1].


[1] Françoise Laugée, "Capitalisme de surveillance - La revue européenne des médias et du numérique", https://la-rem.eu/2019/07/capitalisme-de-surveillance/


Economie de partage

L'économie de partage ou sharing economy ou encore économie collaborative sont les termes pour caractériser une nouvelle forme d'économie plus solidiaire et durable pour les uns, uberisée et plateformisée pour les autres, qui remet le "communs" au centre de son idéologie.

L'économie collaborative est définie comme regroupant "les activités humaines qui reposent sur l'usage plutôt que la possession, par le partage ou la mutualisation des biens, savoirs, services, espaces et outils." [1]. Elle comporte deux axes principaux : 
  • l'économie sociale et solidairepair à pair, avec pour objectif de produire de la valeur en commun ;
  • l'économie des plateformes de biens et services marchands : organisé autour d'une plateforme qui fait l'intermédiaire entre un producteurs indépendants et un consommateur.
Le principe est de mettre en "commun" au travers de la mutualisation des ressources, mais que revêt vraiment cette notion de "commun" dans cette nouvelle économie qui s'adresse tant au détracteur du capitalisme qu'aux fervants néolibéraux uberistes convaincus.

Ainsi, Françoise Laugée nous propose une analyse de cette notion de communs qu'à priori ont pourrait prendre pour une réduction de nos droits à la propriété privée ou à la propriété intellectuelle, alors qu'il en est rien. En effet la théorie des communs s'appuye sur le concept de propriété partagée, c'est-à-dire qu'elle s'oppose au principe d’exclusivité mais pas au droit de propriété [2].

Le commun serait donc, selon Elinor Ostrom, professeur de sciences politiques à l’université de l’Indiana, une notion intermédiaire entre l'exclusivité et collectivité : "Entre l’Etat et le marché, il existerait une troisième voie, faisant des communs une catégorie hybride entre biens privatifs et biens collectifs" [2].

Ainsi pour Elinor Ostrom, les "communs" sont définis comme : "Ensembles de ressources collectivement gouvernées, au moyen d’une structure de gouvernance assurant une distribution des droits entre les partenaires participant au commun (commoners) et visant à l’exploitation ordonnée de la ressource, permettant sa reproduction sur le long terme." [2].

La théorie des communs demande donc une redéfinition du régime de la propriété qui ne relève pas du droit exclusif de la propriété privée ou de la collectivisation d’un bien public. Ainsi, Elinor Ostrom montre que : "il existe un « faisceau de droits » (bundle of rights) – le droit d’accès, le droit de prélèvement, le droit de gestion, le droit d’exclure et le droit d’aliéner (céder un des droits précédents) – répartis différemment entre les associés au partage d’une ressource, selon qu’ils sont propriétaires avec ou sans droit d’aliénation, détenteurs de droits d’usage et de gestion ou usagers autorisés." [2].

Sur cette base des diverses possibilités qu'offrent ces différents droits de protéger et partager des ressources communes peut se mettre en place des formes d'organisations sociales pour gérer celles-ci, comme des groupes d'utilisateurs, des coopératives, des groupes de partages, dans lequelles : "Les règles de gestion peuvent être informelles, mais l’implication des individus concernés est toujours forte." [2].

Ainsi les communs se définissent : "principalement par les relations qui s’établissent entre les individus ou communautés pour la gestion des ressources, et non simplement par les ressources elles-mêmes." [2].

A l'ère du numérique la notion des communs s'est élargie aux biens immatériels ou "communs de la connaissance" ou encore "communs informationnels" qui ont la particularité d'être "non rivales (leur usage par un individu n’en prive pas les autres) et non exclusives (utilisables par tous)." [2]

Pour Françoise Laugée, l'économie de partage "regroupe de nombreuses activités basées sur la valeur d’usage (le besoin ou l’intérêt) des biens et non sur leur valeur d’échange (le prix). Portée par la crise économique et favorisée par les technologies en réseaux, l’économie de partage est fondée sur la coopération des individus qui se prêtent, échangent, mutualisent leurs biens. Ce qui est partagé, c’est l’usage et non le bien (droit de propriété)." [2].

Mais l'économie de partage définie comme une place de marché privé sur une plateforme internet comme Airbnb ou Uber est, selon Françoise Laugée, un contresens. En effet pour désigner cette forme de commerce en réseaux, une expression plus adaptée serait, selon Françoise Laugée : "capitalisme distributif" [2].


[1] Wikipédia, "Économie collaborative", https://fr.wikipedia.org/wiki/Économie_collaborative
[2] Françoise Laugée, "Les communs : la théorie du milieu.", https://la-rem.eu/2016/05/communs-theorie-milieu/


Un peu d'humour... Cyber économie, le robot à faire des patates...


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